Critique du film animé Batman La Malédiction Qui s’abattit sur Gotham

Publié le 17 avril 2023 par

Warner Bros Animation et DC Entertainment continuent l’adaptation de certains comics cultes (ou moins cultes) en film animés diffusés en Direct-to-Video. Si l’exercice a produit des résultats divers (citons l’excellent Year One, le calamiteux Justice League : Injustice et le très controversé Batman : The Killing Joke). Ici, nous allons parler de l’adaptation d’une œuvre tout à fait étrange, à plus d’un titre : Batman La Malédiction qui s’abattit sur Gotham dont on pourra lire la critique rédigée en 2018 par Mathieu. A la croisée des thématiques de l’horreur, de l’ésotérisme, du steam punk (l’action est située aux alentours de 1920) l’animé illustre à nouveau la rencontre entre l’univers de Batman et celui du romancier H.P. Lovecraft. Pour quel résultat ? Nous allons essayer de le déterminer.

 

Synopsis

L’explorateur Bruce Wayne libère accidentellement un mal ancien et retourne à Gotham après deux décennies d’absence. Batman y affronte des forces surnaturelles et rencontre des alliés et des ennemis tels que Green Arrow, Ra’s al Ghul, Mr. Freeze, Killer Croc, Double-Face et James Gordon.

Avant de s’immerger dans cette œuvre très particulière, il faut réaliser un saut de foi. Accepter d’oublier, ou plutôt, renoncer, à tout ce que l’on sait de Batman, afin de le redécouvrir sous un autre angle. Que ce soit relativement au Dark Knight lui-même, mais également à tous les protagonistes présents dans cet animé. Au-delà des précédentes tentatives d’extraire Batman de sa temporalité (citons l’excellent event graphique et animé de Gotham by Gaslight inspiré par le même Mike Mignola), la plongée est ici très différente puisque que c’est dans l’univers du romancier H.P. Lovecraft que va évoluer / (re)naître notre héros.

On pourrait parler ou écrire pendant des jours à propos de l’œuvre de Lovecraft et surtout des influences prépondérantes qu’il a eues sur le monde de la littérature et du cinéma fantastiques / horrifiques. Et sans doute également de certains comics ou personnages de comics.

L’Appel de Lovecraft

Bruce et Alfred en plein mystère

A y regarder de plus près, le rapprochement entre l’univers de Batman et celui de Lovecraft était inévitable, pour une raison toute simple : Si le romancier américain est surtout connu pour avoir introduit le démon extra-dimensionnel Cthulhu et la mythologie associée, il faut également souligner que Lovecraft a imaginé et quasiment mis en scène une ville dont le nom résonne de façon très particulière aux oreilles de tout amateur de l’œuvre de Bob Kane, Bill Finger et tous leurs filles et fils spirituels : la Cité d’Arkham. En effet, l’asile (qui possède par ailleurs sa propre mythologie) tire son nom d’un ouvrage de ce maître du fantastique. Et quand on sait que l’œuvre de Lovecraft est elle-même basée sur les concepts de folie et d’horreur, on comprend mieux la référence qui devient évidente. Et si je prends le temps de faire cette remise en contexte, c’est que cela permet de mieux comprendre l’esprit qui anime ce film, tout comme il animait le comic.

Un travail graphique simple mais efficace

Commençons donc par les aspects les plus visibles de l’animé : le graphisme et l’animation. Globalement, j’ai été agréablement surpris.

Des décors sompteux

WB Animation a choisi (et c’est tant mieux) un graphisme et une animation 2D classiques par rapport à ses anciennes productions. Christopher Berkeley et Sam Liu se sont appuyés sur un graphisme simple, mais pas simpliste. Les personnages sont rendus de façon tout à fait honnête et – plus important – laissent percevoir des palettes d’émotions tout à fait palpables (la culpabilité, la tristesse, la peur, la folie, …) ce qui manquait cruellement à des productions telles que Justice League : Injustice. Le style n’a que peu de chose à voir avec celui si particulier de Mike Mignola qui renforçait le côté horrifique de l’œuvre mais cela ne gêne pas au final et facilite même la découverte par le néophyte qui pourra aller se plonger dans le comics de 2018 pour y chercher des sensations différentes. Les animations sont assez fluides et le découpage percutant, tout en sachant laisser le spectateur reprendre son souffle lors de plans chargés d’émotions. Ajoutons à cela un excellent travail sur les décors et la couleur qui rendent à la fois l’ambiance “années 20” et le côté “horreur fantastique” (le plan de Gotham surmonté d’une Lune rouge-sang est somptueux).

Une adaptation fidèle, parmi les fidèles

Sous la glace … l’horreur

C’était une grande crainte : comment adapter une histoire d’une telle intensité fantastique sans dénaturer le support original (on se souvient des aberrations de Batman : The Killing Joke) ? La réponse est simple : en restant fidèle à l’esprit de l’œuvre de Mignola. Si certains détails ont été modifiés (Kai Li Cain remplace Tim par exemple), l’esprit est remarquablement conservé. La fin, en particulier, qui en avait laissé plus d’un sans voix (et j’en faisait partie) a été conservée à la fois dans sa forme et son esprit. Et l’animé est aussi – et peut-être avant tout – un hommage à l’œuvre originale. Ce qui en fait, par-ailleurs, un divertissement à ne pas mettre devant tous les yeux. Et on peut rendre hommage à DC Entertainment de ne pas avoir cédé aux sirènes d’une adaptation édulcorée et insipide. Le personnage (si tant est que l’on puisse parler de personnage) de Yog-Sothoth est dévoilé juste ce qu’il faut et particulièrement bien incarné à travers la folie et l’impuissance que sa simple vision inspire aux mortels.

Des personnages travaillés

C’est une des grandes réussites de l’adaptation : le graphisme de l’animé et le respect du comics original permettent de découvrir (ou re-découvrir, pour ceux qui ont lu le travail de Mignola) des personnages complètement repensés, étonnants, intéressants (Barbara/Oracle), complexes (Oliver) ou extrêmement attachants (Harvey Dent, mon préféré dans cette adaptation).

La redéfinition des personnages joue à fond la carte d’un “What If” qui a le mérite de ne pas amener l’œuvre de Lovecraft vers l’univers de Batman, mais au contraire, d’amener les personnages de Batman dans l’univers de Lovecraft.

Conclusion

Au final, Batman : La Malédiction Qui s’abattit sur Gotham est un animé de grande qualité, pétri de respect pour l’œuvre dont il s’inspire. Une œuvre qui risque d’en désemparer plus d’un mais c’est aussi la force des belles réussites artistiques : arriver à faire bouger les lignes et nous sortir de notre zone de confort. Mission remplie avec succès.


Un autre avis c’est bien aussi, la parole est donnée à Benoît

Mesdames et Messieurs,
C’est avec un plaisir non dissimulé que je me permets d’ajouter ma contribution à la chronique de notre cher Commissaire Gordon, sage parmi les sages dans notre noble institution qu’est Batman Legend.
Bien qu’ayant été récemment introduit dans les activités de cette splendide rédaction, mon expérience de lecteur ne se limite pas à notre chauve-souris et j’ai eu l’occasion de prêter attention à plusieurs maisons d’éditions. Il y a quelques temps d’ailleurs (plusieurs années en réalité), j’ai pu mettre la main sur une série d’ouvrages édités par Dark Horse et intitulés HellBoy.
Alors que je posais les yeux sur ces oeuvres, je ne pu m’empêcher de comprendre le sentiment de solitude face à un vide insondable, les esquisses minimalistes, de cet magnifique artiste qu’est Mike Mignola, permettaient de comprendre l’horreur impalpable qui plane au dessus de chaque personnage.
Par la suite, souhaitant approfondir ma découverte de cet univers aux contours très particuliers, je m’orienterais vers les écrits d’un homme, peu connu à l’époque, Howard Phillips Lovecraft.
A la lecture de ces histoires fantastiques, je restais abasourdi par les terreurs des menaces qui pesaient sur les personnages. Au-delà des ambiances pesantes et poisseuses, c’est surtout cette puissance écrasante mais sournoise et insidieuse qui prend au tripes.

Ainsi lors de la sortie de ce long métrage d’animation, mon objectif était d’analyser la transcription mise en œuvre. Pour ce faire, je me dirigeais, en premier lieu vers ma bibliothèque à la recherche de l’ouvrage source sobrement intitulé : “La Malédiction Qui S’Abattit Sur Gotham”.
Alors que ma main saisissait le volume, un frisson remonta ma colonne vertébrale. Un sentiment nostalgique parcouru mon esprit et je me replongeait avec délectation dans cette aventure.

Qu’elle ne fut pas ma surprise lors du visionnage de son adaptation animée. Je n’aurai que deux mots pour qualifier ce film : fidèle et respectueuse.
La réalisation et le cadrage me firent instantanément, penser à l’œuvre de Mignola avec des plans serrés sur les visages et larges pour les décors somptueux. Un effort a été apporté aux plans en contre plongés afin d’éprouver la sensation d’écrasement.
Bien que des changements aient pu être apportés, sur les personnages ou le rythme du récit, ceux-ci ne dénotaient en rien. On pouvait même voir un souci de clarté sur quelques détails peu éclairés dans l’ouvrage.
Comme notre bon Commissaire, nous le conte si bien au dessus, l’univers de Lovecraft trouve une résonance chez le Chevalier Noir.
Comme je pouvais le voir au rythme des 25 images par seconde, la transposition des personnages iconiques semblait naturelle et ne dénotait pas avec le récit. Toute la singularité d’une cause floue transparaissait à travers la volonté d’un fils voulant rattraper les péchés de son père ou d’un homme dont la volonté le poussait à vouloir le meilleur pour sa ville mais dont l’ombre grandissante l’engloutit pour en faire un instrument de la destinée. De même les antagonistes enchainés à un maître ingrat et demandant toujours plus afin de renaître dans un univers qui n’était pas le sien pour y déchaîner les horreurs d’un autre monde et d’un autre lieu.

Batman face à Killer croc dans Batman La malédiction qui s'abattit sur Gotham
Batman face à Killer croc dans Batman La malédiction qui s’abattit sur Gotham

Le protagoniste principal, tout d’abord réfractaire, à toutes idées hors d’un contexte scientifique devait se rendre à l’évidence qu’une chose obscurcissait la ville de Gotham. A mesure que ses pas résonnaient dans les rues, les dominos tombaient un à un. Résonnant dans sa tête, une voix l’avait poussée à explorer le monde pour parfaire son éducation et il aurait besoin de toute son expérience pour comprendre les enjeux qui se tramaient sous les ruelles. Tapis dans les longs couloirs des tunnels abandonnés par les bons citoyens de Gotham, les aliénés Al’Ghul, préparaient la venue de leur maître.
Pour l’occasion, le film nous permettait de visionner des salles plus étendues, jonchées d’histoire montrant l’étendu de la corruption de la ville. Ce n’est qu’en passant à travers un portail né à partir d’un pauvre hère que notre Batman affrontait le défi de sa courte vie.
Le combat acharné des esclaves d’un monstre extra-dimensionnel, devait parachever la métamorphose finale de ce héros en quête de justice.
Cependant dans un monde régi par des forces hors de notre pauvre compréhension, et bien que la vie ne lui fut pas enlevée, notre cher Bruce Wayne devait devenir l’animal qu’il portait jadis comme un symbole. Devenant, à son corps défendant, une créature aux instincts incertains, il se jura de protéger son territoire.

Ce qui heurta ma conscience a l’issue de ma séance cinématographique, c’était la destinée qui rattrapait inlassablement tous les protagonistes. Il n’est pas de monde plus retors et insidieux que celui de ces créatures mystérieuses guidant ou contrôlant les êtres humains tels des pantins.
A l’intérieur de ces images, on pouvait aisément comprendre l’attrait de Mignola pour la ville de Gotham. Un terrain fertile où tous les personnages, même si leur conception originale n’avait pas de source commune, s’insérait aisément dans cet univers Lovecarftien. Les formes reptiliennes font partie de la mythologie, tout comme les possédés ou les zélotes.
Mais ce sont surtout les narrateurs, témoins ou participants, qui sont plongés au cœur même des ténèbres et il n’est pas rare que leur fin soit abrupte ou que la folie les emporte pour ne plus jamais revoir le jour.
Ainsi ville fétiche de la plupart des romans de Lovecraft, Arkham représente cette insanité qui insuffle à Gotham ce déséquilibre mental ambiant et constant.


Et vous ? Qu’avez-vous pensé de l’adaptation en animé de Batman La Malédiction qui s’abattit sur Gotham ??? Laissez-nous votre avis dans les commentaires ci-dessous 😉

Les points forts :
  • Un graphisme simple mais somptueux,
  • Fidèle dans la forme et l’esprit au comic original,
  • Incarne une véritable émotion.
  • Des personnages bien définis et attachants
Les points faibles :
  • Légère baisse de rythme au milieu du récit.
Les notes
Scénario Note Scénario Réalisation Note réalisation Dessin Note Dessin Note globale Note Globale

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Votre bat auteur

Bruno, grand fan du Dark Knight depuis plus de 30 ans. Inconditionnel de Franck Miller, Grant Morrison & Tim Burton... Je m'attache à raconter "mes" moments cultes de ce personnage unique au travers de scènes inoubliables, de comics de légendes, de musiques cultes.

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