Batman Legend in Crisis #5 : Batman Curse of the White Knight

Publié le 07 décembre 2020 par

Bienvenue dans ce cinquième Batman Legend in Crisis (ou BLIC pour les intimes), le format de Batman Legend où nos rédacteurs défendent des positions diamétralement opposées sur différentes œuvres ou des sujets autour du bat-verse.

Après avoir débattu de Heroes in Crisis, du film d’animation Justice League Dark : Apokolips War, et de l’intérêt de Robin puis du Joker (rien n’est trop sacré pour un BLIC !), on s’attaque à pas moins qu’au phénomène Batman : Curse of the White Knight, suite du classique instantané White Knight, toujours scénarisé et dessiné par Sean Murphy et colorisé par Matt Hollingsworth ! Récemment paru chez Urban Comics en VF en couleurs, en noir et blanc et en Urban Limited luxueuse, le succès auquel il était promis avait même sa publication pouvait faire froncer les sourcils… et ça n’a pas manqué.

Aujourd’hui, Aliénor Drake défendra le comics tandis que (pour changer), Siegfried Würtz (Moyocoyani) sera l’avocat du contre !

Et vous, dans quel camp serez-vous ? Lisez bien les arguments de l’un et de l’autre puis votez en fin d’article ! 😉

Batman : Curse of the White Knight

Synopsis

Le fléau Jack Napier est de nouveau derrière les barreaux, mais la sérénité est loin d’être de retour à Gotham, et encore moins au Manoir Wayne, où Bruce peine à retrouver équilibre et sérénité. Son pire ennemi n’a pas seulement ébranlé ses convictions et sa raison d’être, il a également durablement saccagé l’image de Batman et sa légitimité aux yeux des habitants de sa ville. La disparition d’Alfred n’est pas sans séquelle non plus, bien qu’elle laisse derrière lui un héritage inattendu : le journal d’Edmond Wayne daté de 1685, premier de sa lignée à s’être installé à Gotham et adversaire d’un certain Lafayette Arkham, dont les ossements ont été récemment découvert dans la cellule du Joker.

Aliénor Drake : Pour !

Un tournois d’avis avec Monsieur Moyocoyani est toujours intéressant, surtout quand je connais à peu près son avis sur la question ; je peux alors m’amuser à argumenter sur les mêmes points de vue afin de vous offrir un double-avis sur plusieurs points du récit.

De fait, ce deuxième opus est, pour moi, très réussi (malgré quelques réserves que je peux avoir, mais qui n’entachent pas gravement mon avis positif).

Plusieurs aspects du Curse of the White Knight marquent le lecteur. Je ne serais pas originale si je vous parle avant tout du dessin et de la colorisation ; cependant, même si j’avais déjà valorisé cet aspect dans ma review du premier tome, je réitère mon panégyrique pour le dessin et la colorisation. Le trait remarquable de Sean Murphy et sa maîtrise de l’action (on se croirait dans un véritable film lors des scènes de combat ou de course-poursuite) sont sublimés par la couleur très subtile.

Et encore une fois, j’ai aimé les batmobiles qui sont des hommages aux différents Batman que l’on connaît.  On apprend également quelle est la batmobile préférée de Sean Murphy et…il faut dire qu’on a les mêmes goûts, lui et moi 🙂

Ce que j’ai apprécié également dans ce comics, c’est qu’il confirme l’idée que je me faisais de ce personnage, Jean-Paul Valley (Azrael), qui est l’un des principaux antagonistes. Sean Murphy, sans doute involontairement, a fait de ce fanatique religieux un homme complètement débile, inintéressant voire détestable à souhait. Ce n’est peut-être pas, pour vous, un critère de choix pour qualifier une histoire de très bonne, mais c’est pour moi un avantage purement égoïste, car cela renforce mon avis sur Azraël que je n’ai jamais réussi à apprécier ou à trouver digne d’intérêt. Dans Curse of the white knight, il ressemble à un djihadiste complètement halluciné, au cerveau lobotomisé et qui ne pense qu’à détruire et tuer tous ceux et toutes celles qu’il rencontre. Et il en voit, du monde…à vous de deviner qui survivra à cette sélection radicale !

Du monde, donc, il en disparaît dans cette histoire…Plus généralement, on peut dire que Sean Murphy prend beaucoup de libertés dans cet elseworld. Des libertés dans le traitement de l’histoire familiale (en remontant aux origines de l’implantation des Wayne à Gotham), dans le destin de nombreux personnages, voire dans leurs relations intimes ; avec encore une fois quelques clins-d ‘œil, de-ci de-là au passé des héros (on retrouve une Batgirl en fauteuil roulant, par exemple), et c’est plaisant. Même si cela peut parfois devenir un peu n’importe quoi (n’est-ce pas, partenaire Moyocoyani ?), c’est justement ça qui fait le charme de ce comics : Sean Murphy ose tout, il en profite, il se fait un peu plaisir et nous avons envie de dire “ouais, profites-en, éclate-toi, c’est fait pour ça”.

Batman et Harley Quinn
Batman et Harley Quinn

Enfin, c’est avant tout la psychologie de Batman et Harley Quinn qui rend ce deuxième volume très intéressant. La relation entre les 2 héros, imaginée par Sean Murphy, est étonnante, toute en finesse, délicate, émouvante et très bien construite. Je ne lésine pas sur les qualificatifs, et c’est volontaire : elle est tout cela à la fois. Etonnante car il me semble bien (mais je me trompe peut-être ?) qu’elle n’a jamais été abordée sous cet angle, du moins pas de façon aussi approfondie et si subtile. Bien construite car progressive, pleine de nuances, une évolution sensible, l’auteur permettant au lecteur d’entrer dans l’intimité d’une relation extraordinaire. Tout ceci est mêlé à une profondeur psychologique rarement égalée, là aussi. On voit Batman verser une larme (citez-moi d’autres comics qui nous ont laissé témoins de cette détresse ?), ne plus maîtriser ses limites, tandis qu’à d’autres moments, nous sommes témoins d’un des actes les plus beaux qu’il ait pu faire…je crois qu’il faut lire ce comics ne serait-ce que pour voir Batman accomplir une telle action.

Harley Quinn et Napier
Harley Quinn et Napier

Harley Quinn, quant à elle, est sans doute dans sa plus belle écriture. Ce livre a été écrit pour elle, et nous assistons à son meilleur accomplissement, créant son chemin à travers une personnalité complexe et émouvante, un cheminement parsemé de doutes mais soutenu par un courage immense pour réaliser le destin qu’elle se choisit.

Alors, malgré quelques défauts, malgré des imperfections que développera mon camarade, je clame haut et fort mon soutien à cette œuvre réussie, qui est parvenue à m’émouvoir et à faire ressortir de magnifiques sensations.

Batman et Azrael
Batman et Azrael

Siegfried Würtz : Contre !

Batman : Curse of the White Knight est probablement le plus beau travail graphique de Murphy, et par extension du fabuleux duo qu’il forme avec Matt Hollingsworth, peut-être le meilleur coloriste actuel avec Jordie Bellaire. Entre ses vilains exubérants, son atmosphère rougeoyante ou simplement obscure, l’efficacité du découpage (qui ne suit aucune règle préétablie mais s’adapte constamment à ce qu’il faut véhiculer, dans l’action comme dans les beaux moments d’émotion) et l’effort rare consacré à chaque planche pour qu’aucune ne paraisse avoir été bâclée malgré plus de 200 pages, on peut légitimement concevoir de l’acquérir et y prendre le plus grand plaisir seulement pour se laisser embarquer par le dessin et l’univers qu’il crée, au point que même dans une partie « Contre », il m’aurait paru d’une extrême mauvaise foi de ne pas le louer – et de recommander la version colorisée plutôt que la triste version en noir et blanc, d’autant que la colorisation ne gomme pas du tout le trait de Murphy ici. Mais voilà, c’est à peu près tout ce que j’avais à en dire de bien.

Pour commencer, l’intrigue elle-même n’est pas particulièrement bien menée. Elle repose sur une enquête qui aurait pu être très curieuse sur un mystérieux secret connu du seul Joker, lié au passé des Wayne et notamment à une inscription en lettres de sang. Or on ne peut pas dire qu’elle mette en valeur le Batman Détective que l’on pensait alors logiquement retrouver, parce que cette enquête ne rebondit que par gros twists créés par les personnages qui « savent », et qui à chaque fois dévoilent une portion de la vérité alors qu’ils en connaissent la totalité afin de justifier la longueur de l’aventure.

On n’a ainsi simplement jamais l’impression que Batman ou le lecteur « mérite » une révélation, juste servie sur un plateau d’argent quand cela arrange le scénariste, sans rien souligner des qualités d’investigation du chevalier noir ou de la Bat-Family. L’intérêt de Murphy ne semble en effet pas tant être d’écrire une bonne histoire que de développer son univers, qu’il remodèle profondément.

On se souviendra que j’avais eu mes réticences sur White Knight ici, mais que j’avais beaucoup apprécié la manière dont le scénariste-dessinateur se réappropriait l’univers de Batman pour une histoire qui aurait presque pu être canonique, de rares prises de distance avec la Bat-Bible suffisant à porter une réflexion politico-sociale sur le rôle des justiciers assez forte et à mener des personnages connus dans des zones inconnues. Curse of the White Knight explose tout carcan avec ce que je ne peux m’empêcher de percevoir comme une certaine immaturité. Plutôt que d’exceptionnels et subtils écarts, il transforme radicalement le Batverse à chaque fascicule.

Batman Curse of the White Knight Azrael
Azrael

Sans spoiler, sachez simplement qu’une douzaine des principaux super-vilains sont tués, dont 8 en huit minuscules vignettes sur une double-page et d’autres simplement hors-champ, ainsi qu’un allié majeur de Batman, tandis qu’un autre personnage très connu a soudain deux enfants… Ces écarts ne me choquent pas tant que leur gratuité, alors que la même histoire aurait pu être racontée sans ce délire de sale gosse à tout casser, et que cela peut même nuire au troisième opus, forcément si différent du Batverse tel qu’on le connaît que l’on risque de ne simplement plus avoir aucun intérêt ou plaisir à évaluer l’impact des fines altérations injectées par Murphy.

Fallait-il aller aussi loin juste pour affirmer sa liberté sur son univers ? Le débat est ouvert, mais il me semble personnellement qu’il n’avait pas besoin de tels excès quand la qualité de l’histoire ne l’exigeait pas, et qu’encore une fois, on avait déjà apprécié sa capacité de réinvention dans White Knight, où elle n’était pas menée que pour réinventer, et sans douter une seconde de son droit à faire ce qu’il voulait.

À me lire, vous pourriez être surpris que je n’aie pas encore parlé d’Azrael, pourtant le super-vilain principal du volume, celui qui a même droit à sa couverture. C’est qu’on ne le voit pas tant que cela – bien moins même que le Joker, finalement bien plus essentiel – et qu’il n’a guère pour fonction que de bouleverser l’histoire en semant le chaos partout, ce que n’importe quel super-vilain aurait pu faire à sa place. Alors il introduit bien une tentative de méditation sur la légitimité de Bruce Wayne/Batman à protéger Gotham, mais elle était déjà menée bien plus finement dans White Knight (et même dans Sword of Azrael en 1992 !), quand Azrael n’est ici qu’un taré, porteur de révélations dont les protagonistes semblent se remettre étonnamment vite.

Batman Curse of the White Knight Freeze
Janson n’est pas au top de sa forme dans ce tie-in

Le portrait à charge ne serait pas complet sans évocation du tie-in Batman White Knight presents : Von Freeze, qu’Urban a judicieusement placé au beau cœur de Curse of the White Knight, au risque d’une certaine rupture graphique et narrative, mais juste avant qu’un élément en ressurgisse dont il fallait expliquer la provenance. Il n’aurait pas été normal qu’Urban ne le publie pas, et ils l’ont sans doute intégré de la meilleure manière possible, le problème n’est pas là mais… dans la seule existence de ce Von Freeze.

Une assez jolie histoire de l’accouchement de Martha par Victor Fries y sert en effet de cadre au récit d’une banalité confondante de l’enfance de Victor, une histoire de juifs et de nazis comme on aimerait ne plus en lire de si mal écrites, et pour le coup d’une inégalité frappante dans les dessins de Klaus Janson, qui n’y est jamais magnifique mais souvent très brouillon. Le plus beau en est de très très loin la couverture (de Murphy et Hollingsworth bien sûr)… Heureusement que l’épouse de Murphy, Katana Collins, a récemment réalisé l’infiniment plus réussi  Batman: White Knight Presents: Harley Quinn avec Matteo Scalera, prouvant l’intérêt d’un Murphyverse quand le premier spin-off pouvait franchement nous en faire douter. (À retrouver bientôt chez Urban Comics)

Batman Curse of the White Knight Harley
Couverture de Batman: White Knight presents Harley



Qu’avez-vous alors pensé des arguments de nos deux rédacteurs ? Cela vous a-t-il fait réfléchir à votre amour de l’œuvre ou avez-vous réappris à l’apprécier ? N’hésitez pas à en parler en commentaires, et bien sûr à voter POUR ou CONTRE Curse of the White Knight, et POUR ou CONTRE les argumentaires qui le défendent ou l’attaquent !

Vote terminé

Alors, as-tu adoré Batman Curse of the White Knight ? Ton avis rejoins plutôt celui d'Aliénor ou de Siegfried ? Choisis ton camp ! 😉

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Votre bat auteur

Doctorant en Littérature comparée, je prépare une thèse sur les enjeux politiques et moraux de la représentation des super-héros omnipotents dans les comics états-uniens depuis 1986. Auteur de l'essai Qui est le chevalier noir ? Batman à travers les âges (Third Éditions, 2019, 350 p.), j'ai également rédigé plusieurs articles universitaires et donné plusieurs conférences sur le comics, les liens entre bande dessinée et jeu vidéo, les liens entre jeu de société et jeu vidéo, la critique cinématographique sur YouTube... En plus de Batman Legend, je contribue au partage de mes passions sur VonGuru (le jeu de société et le cinéma), sur Comics have the Power (le comics et ses « adaptations », notamment dans une perspective politique) et dans une moindre mesure sur Superpouvoir (le comics, notamment ses incipits).

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3 commentaires
  • Il y a 3 ans
    Fan2batman

    Pour ! D’ailleurs y’a une date pour le spin off

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    • Il y a 3 ans

      Le “Pour” l’emporte facilement pour le moment d’ailleurs 🙂

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  • Il y a 2 ans
    Flo

    Alias le Batman à cuissardes (!!?)
    Même chose que pour le premier volet : plutôt une grosse critique de Batman, agencée comme si c’était un film, condensant divers éléments et les reliants à quelques imageries cinématographiques connues.
    Tout ça avec justement les qualités du genre cinématographique (émotions, climax), mais aussi ses limites et ses défauts (les autres vilains ne sont que figurants vides, Dick Grayson n’a toujours pas grand chose à faire si ce n’est à être un faire-valoir de service)… Et l’idée de créer quelques instants définitifs pour Batman et cie.
    Un peu trop moralisateur, mais toujours intéressant et graphiquement bien maîtrisé.

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