Critique du film The Batman de Matt Reeves

Publié le 11 mars 2022 par

Réalisé par l’Américain Matt Reeves, le film The Batman était très attendu et, comme tout bon film Batman qui se respecte, suscitait les craintes et les interrogations en ce qui concernait la vision du personnage par le réalisateur des deux derniers opus de La Planète des singes, et surtout vis-à-vis de l’acteur qui incarnerait le chevalier noir, Robert Pattinson. Le film connaît pour le moment un succès commercial et critique, mais qu’en avons-nous pensé, chez Batman Legend ? La chauve-souris vampirique a-t-elle séduit les deux amatrices de comics que nous sommes ? C’est Alexandra et Aliénor Drake qui partagent leur avis et leur point de vue dans une review à quatre mains.

Visage de Batman affiche du film

Synopsis

Cela fait deux ans que Batman combat le crime dans les rues sinistres de Gotham, insufflant la peur chez ses ennemis, accompagné de ses alliés Jim Gordon et Alfred Pennyworth. Mais lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite politique de Gotham, laissant des messages à destination du Batman et des indices qui le mènent dans les réseaux souterrains de la pègre, il fait la rencontre de Selina Kyles, alias Catwoman, mais aussi du Pingouin, de Carmine Falcone et de l’homme-mystère.

Un film noir et d’inspiration expressionniste

Aliénor Drake :

La première chose qui impressionne le spectateur au cinéma, malgré les nombreux avertissements de la publicité omniprésente (“Un Batman plus sombre, plus cinglé”), est l’obscurité, les ténèbres et la noirceur dans laquelle le film nous plonge. Nous étions habitués à Tim Burton et sa Gotham gothique, son Batman seul et un peu fou ; à Christopher Nolan et son héros réaliste : somme toute, ces héros étaient profonds, torturés mais peu terrifiants. Avec Matt Reeves, Gotham est véritablement une ville mal famée (et pas bondée de clowns ou trop réaliste pour effrayer), elle est plongée dans une nuit malfaisante et sous une pluie constante, reflétant les larmes d’un Bruce Wayne seul au monde, qui n’a pour autre objectif que de se soutenir dans une violence froide et rageuse, terrifiant les spectateurs comme ses ennemis, au point que, parfois, nous nous mettons dans la peau de ces derniers : “Mon dieu que je n’aimerais pas être à sa place”…

La population sous la pluie abritée par des parapluies dans Blade Runner
Blade runner, Batman : même combat contre le mauvais temps et le mal

Cette ambiance est permise par le style film noir des années 40-50 et néo-noir des années 1970, 80 et 90 : on retrouve clairement une ambiance à la Blade Runner ; une enquête par énigmes et un méchant qui a pour but de dévoiler les péchés de ses victimes façon Seven. La voie off de Bruce Wayne rappelle cet aspect old school des films noirs. La caméra et le point de vue souvent subjectifs, les plans restreints, les lieux clos tels que l’Iceberg Lounge du Pingouin, et surtout bien entendu la véritable enquête menée par le tandem Gordon et Batman, nous embarquent dans l’ambiance la plus noire et criminelle de l’histoire cinématographique du Batman. La caméra nous montre une approche bien souvent au ras du sol ou à hauteur d’homme, chose inhabituelle pour un film sur le super-héros puisque, par sa nature “volante”, l’univers cinématographique ou comics de Batman est plus couramment aérien.

La lumière, la mise en scène et la photographie achèvent cet aspect expressionniste dont semble s’inspirer Matt Reeves, Le noir, le rouge et le blanc néon dominent pleinement l’image, parfois de façon spectaculaire, comme cette scène déjà devenue culte d’un Batman sûr de lui, s’enfonçant dans l’enfer du lounge, dans un noir total strié de la lumière des coups de feu qui l’assaillent. Une scène absolument phénoménale, mémorable et caractéristique de l’esthétique du film.

La musique de Michael Giacchino apporte cette touche angoissante réussie. On retrouve des éléments qui rappellent parfois les plus terrifiants de notre passé cinéphile : Les Dents de la mer, le leitmotiv de Dark Vador que l’on retrouve dans celui de Batman ; un clin-d’oeil à Danny Elfman dans le thème de Catwoman. Et, bien entendu, la musique Something in the way, de Nirvana, qui imprègne le film et la personnalité de Bruce Wayne.

Le bruitage est mémorable, ajoutant à cette ambiance sourde et tendue, chaque arrivée de Batman étant annoncée par le son sinistre et percutant de ses bottes.

Batman : une prestance inégalée

Aliénor Drake :

Nosferatu le vampire
Nosferatu le vampire, de Murnau : un clair-obscur marquant pour l’époque, un vampire qui se déplace à pas lents et terrifiants, comme le fait le Batman joué par Robert Pattinson

Quant au Batman interprété par Robert Pattinson, il n’est pas sans rappeler le Nosferatu de Murnau, chef-d’œuvre de l’expressionnisme : surgissant de l’ombre sous son costume, obligé de mettre des lunettes de soleil pour se protéger les yeux de la lumière du jour lorsqu’il est en civil, se déplaçant par gestes lents, inquiétants, allure cadavérique en Bruce Wayne, allure horrifique et imposante en Batman. Le milliardaire loge au sein d’un bâtiment néo-gothique, semblable à une église ou un château, proche d’un cimetière que l’on peut voir à la fin du film.

La dichotomie entre Bruce Wayne et Batman est une des plus belles réussites du film selon moi, et fait de Robert Pattinson un interprète particulièrement surprenant. Jeune adulte tout juste sorti de l’adolescence, représentant d’une jeunesse désabusée, qui voit s’effondrer la société, ses idéaux et la politique (il n’est pas anodin d’en faire un Kurt Cobain mort à 27 ans, puisque Bruce Wayne semble mort, vampire survivant uniquement pour satisfaire un désir de vengeance et de colère), il semble changer totalement d’attitude en Batman. Imposant, majestueux, au regard fort, rude et en même temps émouvant, il semble sûr de lui malgré son “statut” de débutant, malgré ses failles (qui ne sont pas des échecs) qui le rendent plus humain. Un Batman aussi puissant et humain que dans Année Un, mon comics préféré, que j’ai retrouvé à bien des reprises dans cette interprétation.

Le Pingouin sous la pluie, par Colin Farrell
Colin Farrell (sous la pluie, encore et de toujours), aussi méconnaissable que convaincant sous les traits du Pingouin

Cette présence du Batman fait de ce film LE film par excellence sur le personnage, allant plus loin que tous les autres dans l’aspect détective, dans son alliance avec James Gordon campé par un Jeffrey Wright au jeu particulièrement juste. Le pari est renforcé par des personnages secondaires loin d’être effacés : Paul Dano (Le Sphinx) est fou et terrifiant, Colin Farrell (Le Pingouin) est mémorable, John Turturro (Carmine Falcone) est convaincant en parrain de la Mafia gothamienne. Zoé Kravitz m’a également surprise, même si j’ai moins été convaincue par certaines scènes, notamment celle où elle découvre que son amie a été enlevée. Même Alfred, interprété par Andy Serkis, est émouvant et tient une place non négligeable dans l’histoire, même s’il mériterait un temps d’écran plus important.

Le point de vue d’Alexandra :

Qu’est-ce que Batman ? Attention, ici je ne pose pas la question par rapport aux comics ou à l’identité même du personnage. Je parle en terme de symbole. Que signifie “Batman” ? Selon moi, le film de Matt Reeves est celui qui a le plus compris la signification. Batman c’est une ombre, la vengeance, la peur & l’espoir. C’est un héros torturé, déchiré, empreint de troubles profonds. C’est un enquêteur et un fervent défenseur d’une justice. C’est un homme costumé au volant de sublimes machines : la bat-mobile ou la bat-moto. C’est une chauve-souris qui plane au-dessus des toits de Gotham. Vous voyez tout ça pendant près de 3 heures de film.

Batman, une ombre
Batman, une ombre

Je vous parle en tant que folle passionnée du Chevalier Noir et lectrice de comics depuis des années. Il est frappant d’y voir des références et autant de définitions du héros qu’on semble tous connaître. Batman est tout simplement épique et cela à chaque entrée de scène, accompagné de son thème musical (subtil mélange de Nirvana et de Dark Vador) on ne peut qu’être scotché par sa prestance. Tout dans la démarche, le regard et la posture, indique que Robert Pattinson a fait un travail énorme. Lui qui admire aussi Batman lui a rendu un bien bel hommage. Les nombreuses scènes de son arrivée dans une salle avec les flics de Gotham : les regards se baissent et le silence se fait. Son regard c’est ce qui m’a le plus marquée. Il y a des moments où la parole n’a pas lieu d’être. On va puiser dans ses yeux tout ce qu’il veut exprimer. C’est clair et brutal. C’est un Batman confiant, effrayant & iconique. Et c’est une première pour moi de ressentir sur grand écran des frissons quand il apparaît. Chaque Batman cinématographique représente quelque chose : si je prends Michael Keaton c’est le Batman baroudeur, Christian Bale le Batman féroce et sexy, Robert Pattinson est lui le Batman de la peur. Et sans oublier un Batman très jeune. Actif depuis deux ans à Gotham, on le voit sur certains plans où il se prend des coups, il vacille, et il se crash après avoir volé dans la ville.

Bruce Wayne

Et cette jeunesse montre un Bruce Wayne bien loin de ce que l’on a pu voir. J’entends les remarques : cheveux trop long, look négligé, pas assez musclé. Mais justement ! Tous ces aspects sont pour moi essentiels pour comprendre l’évolution de ce Batman. Il néglige Bruce pour se concentrer uniquement sur Batman. Il ne perçoit pas encore le poids et l’importance de sa double identité. Les blessures de ce Bruce sont d’autant plus marquantes quand on voit le Batman imposant. Un contraste sublime et évocateur. Et si l’acteur dit s’être inspiré du chanteur Kurt Cobain et que ce dernier est l’un de mes artistes préférés alors oui chacun de nos goûts sont subjectifs et ce parti-pris m’a touché en plein cœur.

De plus, Matt Reeves utilise une caméra immersive qui nous plonge dans la peau de Batman. Que ce soit dans la Batmobile où l’on a son regard, quand le Commissaire Gordon qui arrive, ou bien lorsqu’il saute d’un toit de Gotham et que nous volons avec lui. Que la caméra se pose sur les roues de la voiture pour voir d’une autre manière les scènes d’actions. Tout est inclusif. De la proximité, on la ressent avec les autres personnages. Que ce soit avec le Commissaire Gordon ou Catwoman, certaines interactions sont mémorables. La relation qui se construit avec Gordon et cette enquête qu’ils suivent en commun. Toute la scène au commissariat avec l’aide du commissaire qui montre sa confiance absolue envers le justicier (sans oublier le bon poing sur le visage qu’il se prend !). Génial ! Pour Catwoman, Zoé Kravitz fait une prestation quasi sans fautes ! Finalement, elle aurait pu avoir plus de temps d’écran mais on sent que le film pose les premières bases d’une liaison entre le chat et la chauve-souris. J’aurais aimé la voir légèrement plus joueuse et intrépide, mais elle détient un charisme unique à chaque plan. Matt Reeves fait de Selina une femme sexy sans tomber dans le vulgaire.

Un film qui mixe policier et super-héros :

Alexandra :

Si on peut largement dire que The Batman est un film d’auteurs on y retrouve tout de même énormément de références au comics et bien sûr au genre héroïque.

Les comics Batman
Les comics Batman

Du côté de l’éditeur français Urban Comics, toute une communication a été faite sur des comics avec des étiquettes indiquant : “Les Albums du film The Batman“. C’est intéressant de souligner ce lien au support originel. De même que sur l’une des dernières parutions : Batman The Imposter, dont le scénariste Mattson Tomlin a participé avec Matt Reeves à la construction du scénario du film. Et dès les premières secondes du film, on saisit l’importance et la place des comics. Un Long Halloween de Tim Sale et de Jeff Loeb, pour l’enquête et le meurtre commis le soir d’Halloween. Year One de Frank Miller pour le début du Chevalier Noir et la surprésence de la mafia dans la ville. Batman Ego de Darwyn Cooke pour la psychologie et les névroses de notre héros. Mais il y a aussi les références plus subtiles au run de Scott Snyder et la Cour des Hiboux, Gotham Central, les comics de Nightwing avec la mention de Blüdhaven, les comics autour de Selina Kyle : Le Dernier Braquage et Catwoman à Rome, etc… C’est incroyable et passionnant pour un lecteur qui, sur certains plans, peut y voir des cases de BD.

Et si le film appuie sur l’aspect policier, n’oublions pas que Batman reste un super-héros. Et la fin le souligne avec cette séquence blockbuster. Le meeting politique qui devient une piscine géante avec des explosions de partout. Un made in “blockbuster” qui dérange et qui dénote avec le reste du film. Une proposition qui nous fait questionner sur le genre héroïque et ses codes. Est-ce que tous les films de super-héros se doivent d’avoir LA scène cassage de rétine ? Et dans quel but ? Si le passage avec Batman guidant le groupe avec le fumigène m’a touchée et est nécessaire, elle avait largement sa place ailleurs. Bien heureusement, le monologue de fin de Batman qui répond à ses interrogations du début termine le film en beauté.

Sans oublier le fan service final qui selon moi n’avait pas sa place ici. Si jusqu’à cette scène, ce dernier était subtile et justement amener, l’apparition d’un personnage mystérieux à l’asile d’Arkham est quant à elle lourde et sans grande importance. Et pourquoi apporter un nouvel ennemi, alors que tout le film exploite des méchants qui pourraient logiquement avoir une suite : le Pingouin & le Sphinx notamment. Mais la hype est importante et il nous tarde de voir les prochaines créations !

Batman en portrait
Batman, son regard, sa tristesse renforcent sa puissance et sa prestance

Conclusion

La conclusion d’Alexandra :

Un film sensationnel qui ne laisse pas de marbre. De l’émotion, de la frayeur, un film de héros, de policier et d’horreur, Matt Reeves réussit le pari fou de donner une nouvelle image à une chauve-souris aux multiples adaptations cinématographiques. Un bijou qui se regarde plus d’une fois pour contempler la lumière, la photographie, la musique, le jeu d’acteurs et cette ville de Gotham plus vraie que nature. Un Batman iconique et inoubliable. Un film que je reverrai plusieurs fois pour tout le respect qui est fait à l’univers du Chevalier Noir.

La conclusion d’Aliénor Drake :

Un film qui m’a vraiment émue, que la mise en scène et la place laissée à Batman distinguent des précédents, sans qu’il soit fondamentalement révolutionnaire : on retrouve dans ce film tout ce que l’on aime de notre super-héros préféré, y compris comme l’indique Alexandra une scène finale plus dans le style blockbuster que film d’auteur. Mais le jeu de Robert Pattinson, qui a su mieux que quiconque développer un héros à deux personnalités radicalement différentes, qui a su nous rendre une chauve-souris émouvante par son regard et son charisme, un Bruce Wayne presque pathétique et vampirique, en font une très grande surprise, malgré quelques scènes qui auraient pu être retirées pour en faire un film moins long et laborieux.

Les points forts :
  • Un Batman détective plus qu’aucun autre film,
  • Une interprétation réussie et émouvante de Robert Pattinson,
  • Un film vraiment noir et angoissant,
  • De magnifiques scènes iconiques,
  • Des personnages secondaires développés.
Les points faibles :
  • Un mélange film d’auteur-blockbuster qui peut dérouter,
  • Quelques scènes peu pertinentes qui rajoutent de la longueur,
  • Une tournure scénaristique un peu trop facile concernant les révélations sur la famille Wayne (pas développé dans l’article car risque de divulgâcher).
Les notes
Scénario Note Scénario Réalisation Note réalisation Note globale Note Globale

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Votre bat auteur

Salut ! C'est Alexandra, 24 ans, passionnée par le cinéma, la musique, le sport et bien sûr les comics. Bon Batman c'est un peu ma vie alors autant que je partage avec vous ! Grosse lectrice et amatrice de cinéma attendez vous à beaucoup de reviews et de critiques !

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1 commentaire
  • Il y a 2 ans
    Flo

    « …If you want a partner, take my hand, or
    If you want to strike me down in anger
    Here I stand
    I’m your Batman »

    Beuh, zappe man ? Parce-qu’un nouveau film de Batman, ça n’a évidemment rien de nouveau. Surtout quand celui-ci nous vend des idées déjà vues dans « Batman Forever » (le Riddler sème des pistes et est un fou un peu pénible), ceux de Nolan et la série tv « Gotham » (il débute dans une ambiance semi-réaliste, en cherchant sa voie et des solutions).
    Et oui, il y faisait déjà bien le détective traquant des vilains insaisissables au milieu de la corruption et des métaphores sociopolitiques, avec les mêmes personnages.
    Et oui, c’est aujourd’hui toujours bien rempli de fan-service à force d’inspirations déjà connues – Frank Miller, Long Halloween, jeux vidéos, et petite nouveauté, une touche de Batman Earth One.

    Pas autant stimulant avec le choix (sponsorisé par Chris Nolan à la suite de « Tenet » ?) de Robert Pattinson, acteur moins épais que Ben Affleck, un peu plus viril qu’un Timothée Chalamet – puisque la Warner semble se targuer de nous offrir des héros qui n’aient pas l’air trop agressifs et écrasants de puissance dans leur masculinité, pour les spectateurs plus sensibles et surtout féminins.
    Plus proche d’un modèle de héros de manga « shōjo », à l’œil morne (comme Affleck d’ailleurs), malgré de gros sourcils. Et, la filmographie de l’acteur aidant, donnant plus une impression de fragilité, et de préférer se faire du mal à lui-même plutôt qu’aux autres, même de manière contrôlée.
    Le regard étant le détail important pour un Batman, intense et calculateur d’un esprit en surchauffe (plus Keaton et Bale, presque pour Kilmer, pas du tout pour Clooney)… bref un acteur ayant déjà joué des psychopathes ou des salauds solides serait idéal à chaque incarnation.

    Qu’est-ce-qui reste alors, pour ne pas nous prendre trop pour des jambons aux connaissances ou à la mémoire courte..?
    Et bien, toujours pas grand chose.

    En tant que nom connu, mais n’ayant pas de thématiques d’auteur très précisément identifiables malgré tout, Matt Reeves paraît surtout avoir pour lui d’être un formaliste visuel, s’attachant moins à ses personnages qu’à leur façon d’évoluer dans un environnement particulier – il se rapproche peut-être plus de la logique d’un jeu vidéo. Ses « Planète des Singes » inclus puisque les meilleurs personnages – donc les singes – ne reposent pas que sur l’interprétation des acteurs (aucune grosses stars) mais aussi sur la performance technique qui les représentent physiquement.
    Or dans ce « Batman », il ne reste que des costumes et maquillages assez usités, pas toujours impressionnants.

    On a de de la ville en feu, littéralement (les ciels orangés) ou juste sous pression. Une obsession régulière de Reeves pour les mondes apocalyptiques, ce qui n’a non plus rien de bien original puisqu’on est au bord de cela dans notre monde réel, depuis bien des années.
    Ambiance Polar rétro, avec voix-off donc style presque littéraire… Et bien souvent pour des villes dites de « fin du monde », c’est à dire au bord d’un continent – San Francisco et surtout Los Angeles pour le côté « anges » (déchus).
    L’ange noir ici en l’occurrence. Très angélique, très sensible, très débutant, pas toujours assez vif.
    Mais la longueur excessive du film permet de seulement reproduire un look de le Film Noir (jamais plus de deux heures la plupart du temps), et de se mettre surtout dans une ligne commerciale établie par la Warner qui tente d’attirer plus l’attention sur le studio en tablant sur l’idée que « plus c’est long, plus c’est bon ». Évidemment que non, pas nécessairement.
    De même que d’avoir un vilain qui soit un intello expansif, « religieux » et ayant eu une enfance malheureuse… Ces caractéristiques assez grossières qu’on retrouvait déjà précédemment chez Zack Snyder (sa durée fleuve ne racontant pas énormément de choses, son Luthor – avec du coup la même vf que pour le Riddler)… ça ne semblait finalement pas tant être l’apanage de ce réalisateur, mais plutôt un point de vue venant surtout du Studio ?

    Dans cette construction commerciale, censée caresser le Grand Public dans le sens du poil en remplaçant les scènes d’action amusantes à super pouvoirs par des moments de violence plus ou moins explicites… Et séduisant la critique en vendant de la psychologie sombre se définissant surtout contre la concurrence marvelienne, mais ayant en fin de compte beaucoup de points communs et n’étant pas vraiment à contre-courant…
    Il y a aussi hélas beaucoup de grosses ficelles :
    _ Certaines dues aux aléas de tournage sous Covid – Andy Serkis étant trop peu présent, pris également par le tournage de… « Venom »…
    _ D’autres sont maladroites (les deux scènes à travers des jumelles, au sens non exploité), ou terriblement sur-explicatives, atténuant les réguliers efforts de composition esthétique de l’image – une enveloppe est explicitement adressée à Batman… Gordon dit « Ça vous est adressé !? »… puis ensuite Alfred dit « Ça vous est adressé !? »
    C’est du temps inutilement pris sur le montage, d’où la durée…
    _ De l’enquête tortueuse mais où les personnages, meurtre longuement répétitif après l’autre, patinent beaucoup trop (le rat, l’espagnol, eh bien ?), et du symbolisme un peu enfantin – le petit garçon récurrent, la Vérité, plus de mensonges, et donc une gentille candidate qui s’appelle forcément « Réal »..
    _ Prendre des bouts de divers bouquins autocontenus de Batman (quasi jamais des séries principales, sauf si ce sont des arc narratifs précis)…
    _ Prendre des références de films ou autres personnalités (Kurt Cobain?!), pour s’amuser avec des identités cultes, et les associer à un Batman de toute façon protéiforme…
    _ Ne pas conduire l’intrigue complètement jusqu’au bout, en laisser pour une autre fois, enchaîner les scènes d’action conclusives jusqu’à plus soif, et placer un caméo évocateur…
    _ Vivre dans la nostalgie du Batman de Nolan (et même du Batman de Adam West via le clin d’œil du téléphone fixe), comme s’il valait mieux rester dans le Passé en le recréant, sans encore le prolonger.
    On retrouve du « Batman Begins » – héros obsessionnel en construction et rejetant un peu sa généalogie, look proche de « Blade Runner » (Film Noir encore), mainmise du maffieux Falcone, complot qui ira jusqu’à détruire une partie de la ville, clin d’œil final ;
    On retrouve du « The Dark Knight » – ennemi insaisissable aux plans ultra alambiqués, héros perplexe sur sa longévité, questionnements politiques (mais tous les super-héros le sont intrinsèquement), moto finale…
    L’idée assez usitée également de réinventer un vilain un peu kitsch en lui donnant un look et une idéologie réalistes et plus inquiétants, cela a déjà été le cas pour les Joker de Ledger et Phoenix (rappelons que le Riddler est souvent considéré comme un sous-Joker). L’utilisation des caractéristiques du tueur du Zodiaque fait d’autant plus lorgner ce film vers l’influence évidente d’un David Fincher que sur celle, encore une fois, de la Côte Ouest des Etats Unis.

    Les polars de Akira Kurosawa sont une référence indirecte qui correspondrait mieux à ce film : histoires un peu moins entre deux guerres, avec une forme de belle naïveté mais qui de manière paradoxale dénoncent férocement et violemment une corruption bien réelle au sein du pays tout entier. Ainsi que la présence d’antagonistes doubles et vengeurs, étant les deux faces opposées d’une même pièce (très batmanien ça aussi), l’un dans le privilège et l’autre non.

    Pour l’attachement aux personnages, les comédiens feront avec ce qu’ils peuvent malgré une iconisation souvent en peine, surtout quand ils sont introduits visuellement à l’écran.
    Pattinson étant beaucoup en costume, dans une forme de masse et de raideur (chevalier en armure), intériorisé, mais n’ayant pas encore de souplesse et d’autorité impressionnante.
    Jeffrey Wright transformant James Gordon en sidekick fidèle faute de plus de présence de Alfred (utilisé ici de manière grossière et sans audace) et de Robin. Ce qui est un non-sens tant ce très bon policier de Gordon est censé être capable de remettre en cause Batman quand il va trop loin dans sa logique.
    John Turturro n’ayant pas à faire grand chose pour être menaçant, et Paul Dano en faisant beaucoup trop en comparaison.

    Reste que Colin Farrell, en Pingouin qui se prendrait pour De Niro, apporte une folie grotesque qui tire le film de sa torpeur sérieuse (mais c’est presque un comique de service).
    Et Zoë Kravitz, à chaque apparitions chocs et ce malgré un personnage assez banalement « voyou », permet in fine de créer ce qui pourrait être le cœur émotionnel du film :
    Et s’il s’agissait plus d’une histoire d’amour au long cours entre deux solitudes écrasées par les drames de leur enfance ? Ce qui se joue entre Bruce et Selina dans toutes les scènes où ils apparaissent ensemble est plutôt touchant dans ce que ça évoque. En plus d’être également très sensuel, voir sexué, ce qui fait plaisir dans ce genre de film.

    Une série de films romantiques tordus, même sans égaler Tim Burton, plutôt qu’un manuel du bon petit metteur en scène de gros thrillers… espérons qu’on en arrivera là quand on sera au bout du chemin.
    Bref, ce n’est qu’un début, rien que ça… à suivre.

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