Review de Batman : La Dernière Sentinelle

Publié le 13 octobre 2022 par

En marge de la continuité officielle, Urban Comics nous délivre parfois quelques friandises sous la forme de “one-shots” ou mini-séries qui explorent souvent une thématique ou un univers particulier. Cette “Dernière Sentinelle” réunit le tandem inédit Tom Taylor / Andy Kubert et nous propose de suivre un Batman vieillissant et isolé. La thématique et le duo ont donc tout le potentiel pour plaire mais, par voie de conséquence, haussent le niveau d’exigence du lecteur. Verdict subjectif dans les paragraphes qui suivent.

Synopsis

Après une vie passée à combattre le crime, Bruce Wayne n’est plus le même homme, ses nombreuses cicatrices en sont le douloureux rappel. Malgré la perte de ses amis les plus chers, son serment est toujours marqué au fer rouge dans son esprit. Mais aujourd’hui, le manoir est vide, et Batman est plus seul que jamais. Qu’est-ce qui peut encore retenir le Chevalier Noir à Gotham ? D’autant qu’à l’autre bout du monde, un avion vient de se crasher, des centaines d’innocents à son bord. En Angleterre, une mystérieuse organisation qui opère sous le nom d’Equilibrium réclame en effet toute son attention. Peut-être est-il temps pour la chauve-souris de quitter la Batcave… pour toujours ?

Soyons honnêtes : dans le tourbillon de ce que l’on nomme parfois de façon assez ironique la continuité, une histoire courte et affranchie du moule contraignant de cette continuité est souvent perçue comme une petite lumière rassurante. Le genre de lumière qui permet de sortir d’un arc qui s’étire sur plusieurs années et qui peut se pencher sur des aspects différents du personnage ou de son univers. Une œuvre à part entière qui peut se lire plus ou moins rapidement et s’apprécier plus ou moins intensément.

Hot (one) shots

La référence, selon moi, du “one-shot”, c’est Killing Joke. Le chef-d’œuvre d’Alan Moore et Brian Bolland reste ce qui se fait de mieux en moins de 100 pages sur l’univers de Batman. Souvent imité, jamais égalé, il a posé définitivement les bases de l’exercice : concision de l’histoire, perfection du graphisme, interprétations multiples… Tout pour continuer à y penser une fois l’ouvrage refermé.

Au delà de s’affranchir des parti-pris de la continuité (à l’instant T), cela permet souvent de revenir à un aspect particulier du (ou des) personnages et de l’explorer à la lumière d’une nouvelle histoire.

Ces dernières années, nous avons pu plonger dans une ambiance façon “Seven” avec la mini-série (publiée en un seul volume par Urban Comics) The Batman’s Grave. En marge de la continuité “New 52 / Rebirth“, l’intéressant Last Knight on Earth nous envoyait dans un jeu de piste apocalyptique.

Cette fois, au vu du titre et du synopsis, on pense rapidement au Dark Knight Returns de Miller d’autant plus que Kubert a déjà travaillé avec Miller sur le tome 3 du Dark Knight : Master Race.

L’association avec Tom Taylor semblait prometteuse : l’auteur avait scénarisé les 5 années d’Injustice, dans un run justement apprécié pour la qualité de l’exploration psychologique des personnages, étonnamment réussie, pour un prequel de jeu vidéo. On était donc efficacement teasé par ce que pouvait donner cette Dernière Sentinelle.

Retour vers le Passé

La Dernière Sentinelle est, du point de vue scénaristique, assez contrasté. Ecrit autour d’un Bruce Wayne âgé et présenté comme étant au bout de son parcours, il multiplie les retours et révélations sur le passé, ce qui est assez malin.

Ce n’est pas la Tour de L’Horloge… Enfin.. une autre …. Big Ben itself !

Symbole géographique de ce parti-pris, l’action se déroule en Europe. Je ne suis pas grand fan des histoires ne se déroulant pas à Gotham, étant moi-même attaché à cette cité souvent présentée comme un personnage à part entière, complexe, secret et torturé. Pour autant, je dois reconnaitre que ce “dépaysement” vers le “Vieux Continent” est une réelle réussite et permet notamment des planches somptueuses où les vues de Paris et Londres n’ont rien à envier à celles de Gotham.

On en apprend donc encore (et toujours) sur le passé de Bruce, avant qu’il devienne Batman. Et si Scott Snyder avait habilement remis cela sur le tapis avec l’An Zéro, Tom Taylor s’appuie sur ces éléments pour bien nous faire comprendre que ce passé là est intimement lié aux évènements présents.

Dans ce cas précis, le passé prend les traits d’un des personnages emblématiques de cette période de “formation”. Un personnage qui a inspiré celui qui allait devenir le plus grand détective du monde.

Elémentaire mon cher Batman

Henri Ducard, Maître des Enquêtes

C’est l’un des piliers de l’histoire : les retrouvailles – agitées – entre Batman et celui qui a apporté sans doute la plus grande contribution à ses talents de détective : Henri Ducard. Si le (ou plutôt les) face-à-face fonctionne bien, on peut rester perplexe devant la jeunesse apparente de l’ancien mentor de Bruce Wayne : On nous décrit (et il est bien dessiné comme tel) un Batman vieillissant (voire âgé) mais Ducard semble parfois plus jeune que lui, même si il a vraisemblablement pris quelques rides entre le passé et le présent. A moins d’avoir fait un petit plongeon dans un puit de Lazare parisien, cela semble saugrenu d’autant plus que l’on voit apparaître (fugacement) un Dick Grayson et une Barbara Gordon aux tempes également grisonnantes.

Le personnage de Ducard reste l’un des plus intéressants du récit, au delà de son histoire, puisque qu’il a un rôle prépondérant à bien des niveaux.

Alone in the Dark (Knight) ?

Autre postulat mis en avant par l’éditeur : Batman est seul. C’est vendeur et très “Dark Knight compliant”… Mais à y regarder de plus près, et même de moins près, c’est bien loin d’être le cas.

Batman débarque en Europe

Passons rapidement sur Chevalier et son Ecuyer, au demeurant fort bien exploitées : on imagine quand même mal un Batman complètement isolé. Les deux anglaises acolytes illustrent donc le succès de Batman Incorporated. Plutôt intéressant, mais comme concept de solitude, on fait mieux. Les choses continuent de se gâter lorsque Batman nous dévoile un réseau assez tentaculaire d’alliés en tous genres de par le monde : militaires, politiques, policiers,… à qui il a rendu service et qui le lui rendent bien. Ajoutons le petit coup de pouce de Babs et Nightwing. Même si Alfred a fini par rejoindre ses ancêtres, on a quand même l’impression que notre Batman Sentinelle est fort bien entouré. Soyons clairs : cet état de fait est loin d’être déplaisant et même assez intéressant, mais du point de vue scénaristique, cela semble un peu facile. Ou du moins… rapide, tout comme est traité l’arc de l’antagoniste (assez original) que représente Equilibrium.

Equilibrium sur un fil

J’en viens donc à cet antagoniste, dont j’ai apprécié la fraîcheur mais dont le traitement me laisse perplexe pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, on nous présente (et cela semble être le cas) Equilibrium comme doté d’une remarquable intelligence (associée à une absence de principes moraux tout aussi remarquable). Certes. Cependant, la motivation de cette nouvelle némésis à vouloir éliminer toutes les personnes qui ont été sauvées par notre héros (et cela représente une sacrée liste) sous prétexte que l’une de ses personnes a – accidentellement – tué l’un de ses proches colle mal avec la finesse de son esprit.
  • Le traitement de cette traque est complètement éludé : difficile de comprendre comment Equilibrium arrive à débusquer, rassembler, inviter … un aussi grand nombre de personnes qui ont en commun d’avoir été sauvées par le Chevalier Noir de Gotham. A priori, ce n’est pas inscrit dans un CV numérique que l’on pourrait pirater.
Equilibrium… Cherchez l’inspiration…

C’est donc en particulier dans ce registre que l’ouvrage pêche : Equilibrium est finalement traité un peu vite et aurait mérité un développement plus approfondi, en particulier sur les ressources dont il dispose pour mener à bien son plan (qui reste assez original). Le format de l’ouvrage, un peu trop compact à mon gout, joue donc un peu contre lui, ce qui est dommage car il y avait de belles choses à exploiter. Et, par ailleurs, cela aurait pu permettre de profiter encore plus du graphisme plutôt cool de Kubert.

La patte de Kubert

Je pense être relativement objectif en exprimant que le trait d’Andy Kubert n’a pas la finesse de celui de Doug Mahnke ou Dan Mora, pour ne citer que ces deux “crayons” que les amateurs de Batman Detective connaissent bien. Ceci dit, Kubert, sans doute marqué par l’esprit et le style de Frank Miller, sait dégager des ambiances viriles et testostéronées.

Bruce
Batman

En particulier, Batman agit au moins autant en tant que Bruce Wayne qu’en tant que Dark Knight. Et j’avoue que le dessin de Kubert sait donner corps (sans jeu de mot) au personnage, sous ses deux aspects, mâchoire serrée, tout en brutalité retenue. Un rendu artistique qui n’est pas sans rappeler l’impression dégagée par Ben Affleck (dans BvS, hein !!!) : Un Batman impressionnant dans l’action et un Bruce Wayne sombre et déterminé. Pas sûr d’arriver à trancher pour savoir laquelle des deux versions est la plus marquante.

Conclusion

La Dernière Sentinelle est une lecture agréable, qui manque sans doute un peu de surprise. Le scénario, parfois facile, s’appuie sur des idées intéressantes qui auraient mérité d’être développées, peut-être dans un format différent, du genre “mini-série”. Kubert s’applique à dessiner le récit avec une intensité percutante et ferait un bon metteur en scène. A quand une “version-longue” ?

Les points forts :
  • Une idée et un antagoniste inédits,
  • Le graphisme badasse d’Andy Kubert,
  • Des seconds rôles intéressants et assez novateurs.

 

Les points faibles :
  • Quelques contradictions scénaristiques,
  • Des raccourcis qui rendent l’histoire parfois approximative,
  • L’ouvrage aurait mérité un développement un peu plus abouti.
Les notes
Scénario Note Scénario Dessin Note Dessin Colorisation/Encrage Note Colorisation Note globale Note Globale

On reste connecté ? 🙂
Retrouvez-nous sur Facebook, Twitter et Instagram.

Votre bat auteur

Bruno, grand fan du Dark Knight depuis plus de 30 ans. Inconditionnel de Franck Miller, Grant Morrison & Tim Burton... Je m'attache à raconter "mes" moments cultes de ce personnage unique au travers de scènes inoubliables, de comics de légendes, de musiques cultes.

Voir la suite...

Laissez-nous
votre avis !

1 commentaire
  • Il y a 11 mois
    BruceW

    Je viens de le recevoir hier et je compte le lire bientôt mais pour le moment je lis Batman la légende de Aparo et Adams. En tout cas j’ai hâte de lire ce titre qui me tentait depuis quelques temps.

    Répondre